Jean-Antoine Houdon, l’Hiver
La « Frileuse » ou « l’Hiver » par Jean-Antoine Houdon, l’un des plus importants sculpteurs français du 18° siècle, surtout connu pour ses bustes. La Frileuse est pour l'époque une audacieuse innovation !
Article augmenté le 11 avril 2024
La « Frileuse » ou « l’Hiver » par Jean-Antoine Houdon, l’un des plus importants sculpteurs français du 18° siècle, surtout connu pour ses bustes, notamment ceux de Diderot et Voltaire.
L’Hiver réalisée en 1783 sous la monarchie finissante suscita la réprobation, pas tant par la nudité du modèle — moult déesses assez découvertes peuplaient déjà les musées — que par son « humanité » pour ne pas dire sa trivialité.
En effet, la Frileuse n’a rien d’une déesse infligeant aux hommes son souffle glacial ou leur promettant des temps meilleurs. L’allégorie est à peine un prétexte.
La banalité, le manque de "sublimation", de cette représentation de l'Hiver choqua en son temps.
En effet, ce n'est plus véritablement une allégorie usant d'un prétexte mythologique ou tout du moins d'une citation plus ou moins fantaisiste de l'antiquité.
Jean-Antoine Houdon nous montre une jeune femme qui, contre la morsure de l'hiver, ne se couvre incongrument que la tête et la poitrine pour dévoiler ses hanches et ses cuisses.
L’Hiver est donc bien celui qui s’impose à des « particuliers », qui l’endurent et tentent de s’en protéger ainsi que la Frileuse. C'est aussi le rappel de la fragile et éphémère jeunesse.
Belle occasion pour le sculpteur de nous donner à voir et se délecter de cette jeunesse dénudée, fragile et propre à susciter une certaine compassion. Pour le moins !
Autre originalité de cette sculpture, l'Hiver n'est pas non plus représenté sous les traits d'une vieille femme décrépie et ridée ou d'un vieillard chenu ainsi qu'il était coutume de le faire depuis la renaissance et parfois au Moyen Age.
Il y a néanmoins un précédent avec Étienne-Maurice Falconet (1716-1791) qui figure l'Hiver — cette œuvre fut commandée pour Versailles et jamais placée — sous la forme d'une jeune femme assise aux pieds de laquelle git un vase brisé par les rigueurs du froid. La figure, représentée à l'antique, tient un bouquet qu'elle préserve de la froidure et le fait revenir à la vie, l'efflorescence.
Jean-Antoine Houdon, qui devait probablement connaître cette pièce, reprend le thème de l'amphore fracturée par l'impitoyable Hiver, autre désignation également du temps qui emporte tout, inexorablement.
La sculpture de Falconet est bien encore une allégorie, une déesse aux pouvoirs miraculeux pudiquement couverte d'un drapé à l'antique, seul un sein est partiellement dévoilé.
Jean-Antoine Houdon est bien plus audacieux et novateur. Le figure de l'Hiver est totalement nue, et ne se couvre d'un châle, particulièrement léger en outre, que pour mieux exposer le bas !
A la suite de la Révolution française de 1789 cette sculpture de Jean-Antoine Houdon connu un vif succès. Un nombre considérable de répliques ont été produites dans un esprit qui n’avait plus rien d’une sculpture académique prétextant de la mythologique gréco-romaine pour dévoiler des déesses allègrement dénudées.
Cette magnifique figure de la vulnérabilité, mais aussi de la fragile sensualité, de la jeunesse fugace, s’est imposée depuis lors.
- Artiste : Jean-Antoine Houdon
- Epoque : 18°/19°
- Naissance & mort : 1741–1828
- Datation : Vers 1783
- Médium : Sculpture
- Titre : L’Hiver dite la Frileuse
- Description : Marbre
Musée Fabre, Montpellier