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Araki, une mythologie de l’intime

Nobuyoshi Araki est un narrateur plus qu'un photographe, il a fait de son oeuvre une mythologie personnelle en forme de journal photographique apocryphe

Araki, une mythologie de l’intime

Une mythologie de l’intime

Araki: « La photographie est en fait une parodie du monde. C’est une parodie du je. »


On ne sait pas si Araki est un machiste, un réel érotomane, ou un habile metteur en scène d’une mythologie personnelle.


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© Nobuyoshi Araki.

Nobuyoshi Araki, Une mythologie personnelle et apocryphe !

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© Nobuyoshi Araki.

Il faut évidemment renoncer à la disjonction et accepter le tout de ces positions plus ou moins contradictoires, tout du moins dans le monde conceptuel. Car c’est certainement là que gît la clé. La vie n’est pas logique. Et Araki est un maître quand il s’agit de saisir avec espièglerie l’entremêlement confus et énergisant de la mort et la vie, de la dissimulation et la sincérité. D’autant plus que pour l’artiste japonais la photographie est une fiction, un récit propre à développer son autofiction paradoxale car chez lui le récit est en porte-à-faux permanent avec lui-même.

Une vision de la sexualité sans érotisme

Il est par exemple bien possible que ces femmes ficelées soient chosifiées, mais ce n’est pas ce qu’on ressent en observant attentivement la plupart des clichés du photographe japonais. Ces femmes ne sont pas lascives et vous regardent sans exprimer quoique ce soit. Plutôt impénétrables, elles restent elles-mêmes. Offertes à notre regard. Ce qui leur octroie une présence aussi insondable que notre incapacité à leur donner une intention précise. De même D’ailleurs, la plastique presque baroque des compositions (en studio) est aplatie par un éclairage frontal et sans apprêt. Du coup on observe bien certains détails, mais ces femmes demeurent insaisissables, lisses jusqu’au pubis si graphique (Araki les retouche en post-production) qu’il en perd sa connotation sexuelle.

Les « Kinbaku »

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© Nobuyoshi Araki.

Ces photographies de « bondage », ces « Kinbaku » sont des paradoxes savamment agencés, bien qu’une fois le décor planté Araki travaille dans la plus grande improvisation. Autant les séries « Voyage Sentimental » et « voyage d’hiver » qui narrent l’approche de la mort de la femme d’Araki sont fortement marqués par le pathos, autant les femmes suspendues sont abstraites sans qu’il y ait pourtant de formalisme dans la composition et le traitement des épreuves. Le paradoxe persiste, car aussi distanciés que soient ces nus sans réelle sensualité, le regard des modèles est saisissant d’intensité. C’est le propre des grands photographes de savoir capter instinctivement l’instant où quelque chose vibre. Le comble est que ces femmes réifiées en apparence ne manquent pas d’aplomb et échappent ainsi au voyeurisme d’Araki, comme à celui du regardeur. Le jeu s’est installé et il est réciproque. Araki semble donc avoir noué une telle complicité avec les modèles, (qui se bousculent innombrables au casting), qu’ils s’offrent en étant là tout simplement dans des jeux sexuels dont finalement le modèle/objet devient le pivot autour duquel Araki gravite. Finalement des grands clichés en couleur de bondages on ne se souviendra que du noir des yeux et des pubis soigneusement « peignés ».