Alex Majoli, scènes d'Histoire
Alex Majoli, photojournaliste éminent de l’agence Magnum livre depuis quelques années et notamment au Bal (Scène, Le Bal, du 22 février au 28 avril 2019) une vision de la photographie symptomatique de l’approche qui prévaut depuis le postmodernisme et son héritage actuel.
La photographie désillusionnée
Depuis qu’elle a perdu son ingénuité initiale la photographie, hors des pratiques automatisées, ne peut plus fonder son objectivité nonobstant son attachement irréductible à des référents physiques.
Le positivisme de la Neue Sachlichkeit (voir notre article concernant Albert-Renger Patzsch) confrontée aux deux conflits mondiaux du 20° siècle et l’effondrement de la croyance en un progrès glorieux et sans limite n’aura pas tenue ses promesses.
La photographie est pourtant centrale du point de vue de la représentation du monde et de la manière d’en rendre la signification. Elle a perdu néanmoins presque immédiatement sa prétention à la neutralité et l’objectivité, non seulement en raison du cadrage, de l’intervention du photographe mais en vertu même de sa manière de conserver une trace indicielle en rendant présent ce qui immédiatement ne l’est déjà plus. Au centre de la photographie s’est révélé très rapidement le vide d’un devenir sans être. La disparition et la mort sont tapies au cœur de l’acte même de photographier.
Photographie et images
« Après des années de couverture de l’actualité politique et sociale, le photographe reporter décide de ne plus prétendre rendre compte de faits à travers des images supposées « authentiques » »
Avec l’ère numérique et l’envahissement des signes en lieu et place des représentations indicielles la photographie est devenue image, signe visuel pointant non plus vers des faits mais des récits s’insérant dans une trame globale virtuelle, une seconde surface du réel où l’image (photographique) est devenue prépondérante.
C’est ici que la démarche d’Alex Majoli prend tout son sens. Après des années de couverture de l’actualité politique et sociale, le photographe reporter décide de ne plus prétendre rendre compte de faits à travers des images supposées « authentiques » et des légendes remettant en contexte l’image partielle d’une « certaine » réalité.
Inutile de développer l’aspect partiel, partial et dans bien des cas ethnocentré de toute photographie de reportage, ni d’insister sur les manipulations dont chaque image y compris la plus banale est susceptible d’être victime. C’est un débat relevant du poncif.
Pour une photographie théâtrale
« Alex Majoli n’est plus photographe mais metteur en scène de circonstance… »
Alex Majoli continue donc, (depuis huit années concernant ce dernier projet), à parcourir le monde pour couvrir de grands événements géopolitiques ou autres. Il soustrait cependant l’image à la contextualisation et applique à l’actualité un procédé contredisant tous les critères admis, (plus ou moins discutables), de « sérieux » sinon d’objectivité.
Prenant acte de l’inconsistance en termes d’objectivité de la photographie il théâtralise les « scènes » qu’il croise dans sa démarche de reporter, assumant ainsi sa part de subjectivité et d’appartenance culturelle et sociale. Il transforme sans plus aucune censure « éthique » des tragédies ou des liesses populaires en compositions caravagesques.
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