Paolo Roversi, portraitiste intimiste des top models
Paolo Roversi, né le 25 avril 1947 à Ravenne, en Italie, est un photographe renommé pour ses portraits en noir et blanc empreints de mystère et de poésie. Son parcours artistique débute dans les années 1970 lorsqu’il s’installe à Paris, où il travaille comme assistant pour le photographe Laurence Sackman. C’est là qu’il affine son style distinctif, marqué par une esthétique intemporelle et une recherche constante de l’essence même de ses sujets.
Les portraits noir et blanc hors mode de Paolo Roversi
Si la photographie de mode de Paolo Roversi se caractérise par un aspect évanescent, riche et onirique ses portraits de studio en noir et blanc sont totalement dépouillés.
Paradoxalement, Paolo Roversi poursuit ses recherches personnelles avec les mêmes modèles que ceux de la mode, mais, si le glamour n’est jamais très loin, ni le risque omniprésent de l’artifice inhérent aux professionnels de la pose, le photographe italien parvient à éviter l’écueil de la superficialité.
Tout au contraire il donne d’authentiques portraits saisissant de la singularité de ses modèles. Notamment en se concentrant sur le visage, les yeux, en échappant également aux effets de poses dont les top model connaissent parfaitement les secrets.
Sans mettre à nu ses sujets — ce qui serait illusoire — il en exalte cependant les particularités sans effet esthétisant ou idiosyncrasique.
Les portraits de Roversi sont caractérisés par une sensualité naturelle ressortant aussi bien de la simplicité de mise en œuvre que de son caractère pudique et respectueux. Il n’y a pas de “préhension” du photographe.
La complicité permet, sans effet extravagant, de retenir le trait physique le plus saillant du sujet, taches de rousseur, minceur, aspect dégingandé, texture de peau, mains longilignes, sourire, éclat du regard, etc.
Paolo Roversi et la photographie de studio
Paolo Roversi réalise ses portraits presque exclusivement en studio. Il utilise principalement un appareil photo grand format, tel que le Deardorff 8x10, pour capturer ses images. Il ne dédaigne pas pour autant l’Hasselblad, voire des reflex numériques, ou autres appareils télémétriques tel que le Leica.
La chambre reste néanmoins son outil de prédilection. Cette technique lui permet d’obtenir une netteté et un niveau de détail exceptionnels, tout en offrant une grande latitude dans le processus de développement. Roversi est également connu pour son utilisation experte de la lumière naturelle, évitant presque systématiquement l’utilisation de flash pour créer des portraits intimes et évocateurs.
Paolo Roversi pictorialiste et minimaliste
Les temps de pose longs — inhérents à la chambre grand format — sont aussi un moyen pour Roversi d’adoucir ses portraits, de leur apporter une forme de fluidité et de mouvement. Ce qui bien entendu rappelle le pictorialisme et ce qui animait cette tendance artistique des débuts de la photographie quand elle faisait encore sa révérence à la peinture. Il fallait faire de la photographie comme un artiste peintre !
De ce point de vue Roversi se tient à distance des mouvements esthétiques telle que la Nouvelle Objectivité (voir nos articles) qui donna à la photographie ses lettres de noblesse et son autonomie en tant que moyen d’expression.
Roversi privilégie la lumière naturelle pour ses portraits, ce qui confère à ses images une qualité organique et une douceur remarquable. En jouant avec les ombres et les reflets, il parvient à créer des atmosphères subtiles et évocatrices qui captivent le spectateur en concentrant l’attention du regardeur sur un minimum de détails. Roversi qui peuple ses photographies de mode d’anecdotes narratives les exclue totalement de ses portraits, pas d’accessoire, pas de décor, un maquillage et des coiffures naturels.
Paolo Roversi expérimentateur !
En plus de la lumière naturelle, Roversi expérimente parfois des techniques plus audacieuses, telles que l’utilisation d’une lampe torche pour éclairer ses sujets de manière sélective.
Le painting lightspermet au photographe de simuler des clair-obscurs tout en estompant les silhouettes.
Il utilise également le flou de bougé pour créer des effets de mouvement et de dynamisme dans ses images.
Le sfumato, une technique empruntée à la peinture de la Renaissance qui crée des transitions douces entre les couleurs et les formes, est souvent utilisé par Roversi pour fondre les silhouettes de ses sujets avec le fond tavelé. Il ajoute ainsi une touche de mystère à ses portraits, et surtout une certaine homogénéité de texture. Le sfumato photographique est une manière de procurer à la surface photographique de la sensualité, de ne pas détacher le sujet, son épiderme, sa tessiture de celle du fond, de l’arrière-plan.
Hormis l’échange entre le modèle et le photographe — ce que Roversi appelle une “‘amitié photographique” — on voit bien que le but recherché est de parvenir à une forme de picturalité.
Sfumato, clair-obscur, filé de mouvement impressionniste, bougé pointilliste, texture des tirages grand format issus de clichés à la chambre, lumière naturelle orientée et le plus souvent unique, fonds dépouillés à l’instar d’un Chardin ou Georges de La Tour, chacune de ces caractéristiques rappelle la peinture pré-moderne.
Portraits significatifs de Paolo Roversi
Parmi les portraits les plus emblématiques de Roversi, on trouve celui de Kate Moss pour Vogue Italia en 1996, qui capture la grâce et la fragilité de la supermodel. Son portrait de Natalia Vodianova pour le même magazine en 2004 et 2011 est également remarquable pour sa simplicité et sa beauté intemporelle. Le “book” de Roversi regorge de star de la mode saisies dans ce qui les différencie les unes des autres.
Expositions de Paolo Roversi
Parmi les expositions les plus marquantes de Paolo Roversi, on peut citer sa rétrospective au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 2013, ainsi que ses expositions individuelles à la Maison Européenne de la Photographie à Paris et à la Galerie Carla Sozzani à Milan.
L’exposition récente de Paolo Roversi au musée Galliera a été un véritable succès, attirant des milliers de visiteurs qui ont été captivés par la beauté et la profondeur de ses portraits. L’exposition mettait en lumière le talent de Roversi pour capturer la singularité même de ses sujets, tout en explorant les thèmes de la féminité, de la nostalgie et du mystère.
Une exposition aux commentaires réduits, sans cartel pléthoriques et bavards. La trame de l’exposition est celle d’une déambulation aux narrations multiples.
Cette immersion dans l’univers artistique de Paolo Roversi offre un regard fascinant sur l’un des photographes de mode les plus influents de notre époque.
Site de l’artiste Musée Galliera
Auteur : Thierry Grizard
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