Gregory Crewdson, « Redemption Center, 2018-2019 »
Quatre ans après la spectaculaire « Cathedral of the Pines », Gregory Crewdson dévoile pour la première fois en Europe sa toute dernière série « An Eclipse of Moths », un ensemble de seize photographies panoramiques, fruit de plus de deux ans de travail.
Dans une Amérique en pleine crise sanitaire et politique, alors que la campagne présidentielle bat son plein, Gregory Crewdson, maître incontesté de la « photographie de mise en scène » propose une lecture à la fois empathique et critique de son pays. Scènes d’extérieur campées dans une petite ville désolée de la Nouvelle Angleterre post-industrielle, ces œuvres ont été conçues par l’artiste comme une méditation sur la fragilité du monde, l’échec, le besoin de rédemption et la quête de transcendance.
Depuis plus de 25 ans, Gregory Crewdson crée des photographies complexes, finement scénarisées, qui puisent largement dans les codes du cinéma. Son processus de création s’apparente d’ailleurs à la production d’un film avec toute sa complexité logistique et technique : storyboard, équipe de techniciens, choix des sites, éclairages sophistiqués et pose des acteurs. En concertation avec la municipalité, l’artiste a parcouru la ville pendant de longs mois avant de trouver les différents lieux qui ont servi de décors : dépôt de taxi, usines fermées, voûtes funéraires en béton, jardins à l’abandon… Crewdson a ainsi troqué les scènes d’intérieur intimes qui l’ont fait connaître pour des paysages urbains à la fois grandioses et inquiétants. L’action semble s’y démultiplier en plusieurs points de vue ou saynètes ambigües : deux cercueils abandonnés sur la route tandis qu’un brancard vide attend sur la pelouse ; une automobiliste immobilisée par la chute de feux de signalisation tandis qu’un homme fixe un biberon ; un SDF face à une flaque de pétales de roses alors que des jeunes désœuvrés patientent devant un container. Chaque détail, nom de rue ou accessoire, jette une lumière inattendue sur la solitude palpable des personnages.
Immobiles, égarés, les protagonistes de ces ambitieuses compositions rappellent les « papillons de nuit » choisis pour titre de l’exposition. Gregory Crewdson explique qu’il a choisi cette image d’une éclipse de phalènes pour évoquer ce phénomène où les insectes, trompés par les lumières artificielles de la ville, s’agglutinent et perdent leurs repères naturels. Métaphore de notre désorientation contemporaine, ces œuvres s’interrogent avec subtilité sur la vulnérabilité de la condition humaine et les paradoxes du rêve américain. Jamais didactiques, elles laissent au spectateur toute liberté pour imaginer les histoires cachées sous la surface et rêver d’autres possibles.
Communiqué de presse, galerie Daniel Templon
Gregory Crewdson, exposition personnelle
7 novembre – 23 janvier 2021