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Dan Flavin ou l’onctuosité du concept

Dan Flavin voulait un art libéré de l'illusionnisme et du subjectivisme tout en parvenant à une immatérialité surprenante dans le cadre du minimalisme

Dan Flavin ou l’onctuosité du concept

Dan Flavin (1933-1996) et le Minimalisme

Les premières sculptures ou plutôt les premiers projets tridimensionnels et immersifs, ou tout du moins « situationnels » de Dan Flavin, prirent place entre 1963 et 1966 avec, entre autres, « The Diagonal of May 25 », 1963, un tube fluorescent de 244 cm suspendu au mur suivant un angle de 45°, une pièce dédiée à Constantin Brancusi et « Greens crossing greens (to Piet Mondrian who lacked green)”, réalisée pour une exposition au musée Van Abbemuseum à Eindhoven aux Pays-Bas. Ces deux pièces emblématiques sont à la fois comme des « axiomes » et un résumé de ce qui agitait alors le monde de l’art aux États-Unis et en Europe.

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© Dan Flavin, « The Diagonal of May 25 », 1963.

En effet, il s’agissait pour certains artistes, dont Dan Flavin et Donal Judd – chef de file (un peu à son corps défendant), de ce qui deviendra le Minimal Art, de réagir aux apories de l’expressionnisme abstrait, qui dans sa recherche de l’essence de la peinture était parvenu à une sorte de nihilisme revenant à faire de la toile tendue elle-même un tableau. « Une toile tendue ou clouée existe déjà en tant que tableau, sans pour autant être nécessairement un tableau réussi » (Clement Greenberg, « Après l’expressionnisme abstrait », 1962).

Donal Judd, rejoint par Carl Andre (voir notre article), Sol LeWitt et Dan Flavin, dénonçait dès 1964, sous les auspices de la Philosophie Analytique, un faux problème issu d’un usage inadapté des concepts de l’esthétique et des théories de l’art. Il proposa comme alternative non pas de résoudre les problèmes de la peinture en tant que telle ou du médium même de la sculpture, mais d’outrepasser ces impasses stériles en renonçant à ces catégories pour créer des objets qu’il désigna comme des « Objets spécifiques ». C’est-à-dire des objets qui, tout en appartenant au champ de l’histoire de l’art, ne relèvent plus de la planéité picturale, ni de l’illusionnisme spatial de la sculpture. Des objets en trois dimensions, dans l’espace mais sans nécessaire frontalité, où les relations sujet/objet, regardeur/œuvre, créateur/création sont totalement repensées dans l’abandon pur et simple des questionnements formalistes hérités du modernisme.

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© Dan Flavin, « Greens crossing greens (to Piet Mondrian who lacked green) », 1966.

Les objets spécifiques de Dan Flavin

Dan Flavin, grand ami de Donald Judd, a rapidement adhéré à cette conception de la création artistique consistant non pas à faire table rase de l’histoire de l’art, mais à en évacuer définitivement l’illusionnisme de la peinture, l’anthropomorphisme de la sculpture, l’image démiurgique de l’artiste, le sublime ou le transcendant en se conformant à des échelles (des rapports) qui soient justifiés par un lieu, en procédant également par réduction des moyens d’expression et selon des systèmes recourant à des figures géométriques primaires, des grilles, des lignes, où la main, donc la facture et la virtuosité de l’artiste n’ont plus aucune place.

Ainsi le travail de Sol LeWitt pourrait se réduire à une répétition différentielle du carré, de la projection axonométrique, et de la ligne. L’œuvre de Carl Andre peut-elle se résumer, pour partie, à une réflexion sur les rythmes, l’horizontalité et la position du « regardeur ». Donald Judd s’est, quant à lui, concentré sur l’immanence de la surface, de la couleur et des répétitions modulaires. Enfin, Dan Flavin a décliné des lignes et grilles lumineuses, où le lieu et la place du visiteur font partie de la constitution de l’œuvre ou de la situation ainsi provoquée, laquelle est assimilée à une proposition artistique qui se décline et parvient à son aboutissement dans l’interaction entre l’objet, en l’occurrence presque immatériel, le concepteur et le « visiteur ».

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Les icônes fluorescentes

« On ne peut pas considérer la lumière comme un phénomène objectif, mais c’est pourtant ainsi que je l’envisage » -Dan Flavin.


Dan Flavin

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