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Andreas Gursky le vertige du réel

Andreas Gursky, qui est historiquement affilié à la photographie objective allemande et l’Ecole de Düsseldorf, est formellement assez proche de ce courant mais sur le fond il se rapproche davantage d’une certaine forme de romantisme en particulier s’agissant du sentiment du sublime

Andreas Gursky le vertige du réel

Le sublime désenchanté

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© Andreas Gursky. « Review » 2015.

Andreas Gursky, qui est historiquement affilié à la photographie objective allemande et l’Ecole de Düsseldorf, est formellement assez proche de ce courant mais sur le fond il se rapproche davantage d’une certaine forme de romantisme en particulier s’agissant du sentiment du sublime.

En effet, chez le photographe allemand tout est gigantesque, écrasant, aussi bien les formats des tirages photographiques, que le niveau de détail et les sujets qui se rapportent majoritairement aux multitudes humaines.

Gursky n’est évidemment pas un romantique sur le fond, il n’y a, pour ainsi dire, aucune empathie, ni sentiment de communion avec la Nature ou une forme profane du sacré, encore moins de mélancolie ou d’exaltation de l’individualité subjective, tout au contraire.

Le sentiment du sublime était, si on peut se permettre ce raccourci, une forme de transcendance face à l’infini. Une élévation des sentiments et de la pensée dans la prise de conscience de notre finitude face aux éléments ou à l’expression de la divinité dans les forces démesurées de la Nature.

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Andreas Gursky une sociologie de la finitude

Or ce que nous montre le plasticien allemand, dans ses images en quelque sorte monstrueuses, c’est précisément la finitude, mais dans un sens très moderne, voire sociologique. Nous ne sommes, de son point de vue d’éthologue, que d’infimes particules d’une espèce endémique, fréquemment entropique tout du moins à l’égard de son environnement et des individus composant le tout normatif.

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© Andreas Gursky. « Stock Exchange II », 1994.

Les bourses d’échanges sont, par exemple, des ruches effrayantes d’individus qui vus à la bonne distance sont tous identiques car mus par les mêmes valeurs dans des comportements holistiques qui évident aussi bien la personne que son rapport à la Nature.

Les salles de concert ne sont pas plus festives captées depuis cette distance, elles évoquent tout autant une ruche qu’une fourmilière post moderne à la Alien.

Les barres d’immeubles, les plages ou les condominiums sont observés sous ce même regard mécanique et indifférent, celui d’un dieu assistant narquois à toute cette agitation dérisoire.

Le sublime de Gursky est un sublime post-moderne, il ne retient que la dimension sans le pathos et l’élévation spirituelle, il écrase, aplatit. L’image elle-même se transforme en un motif chaotique tel un pan déchiré d’une tapisserie diabolique.

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© Andreas Gursky. « Cocoon II », 2008.

L’objectivité documentaire est impossible

Andreas Gursky n’est cependant pas indifférent, il est même plutôt engagé politiquement, socialement et revendique une démarche documentaire. Documentaire au sens étymologique, ce n’est pas un re-portage mais une étude au moyen de l’image photographique. Une image photographique tout à fait consciente qu’elle n’est pas une reproduction mais une reconstruction au même titre que toute représentation. C’est bien entendu l’héritage de l’Ecole de Düsseldorf et de l’enseignement des Becher.

La photographie n’est pas plus objective que tout autre mode de figuration, elle a d’ailleurs perdu son ingénuité très rapidement. Gursky pousse ce constat jusqu’au bout dans la lignée d’un Thomas Ruff, Candida Höfer ou Jeff Wall. Sous des dehors ressortant de l’objectivité, c’est à dire un style froid, distancié et détaillé jusqu’à en être baroque, il n’hésite pas à retoucher parfois de manière très conséquente ses prises de vues pour en faire des images documentaires, ou plutôt des images qui documentent très précisément une activité humaine.

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