Mark Manders, Self-portrait as a building
Installations et auto-fictions
Mark Manders, de manière probablement ambiguë, définit sa démarche comme un autoportrait conçu à l’image d’une construction devenant un lieu où, par relations croisées et plus ou moins accidentelles, l’espace intime prend sa forme. Cette définition de l’autoportrait en tant que projection mentale pourrait passer pour quelque peu banale si on ne la comprenait pas avant tout comme une « fausse » piste, laquelle nous invite à voir de plus près ce que sont ces lieux parcourus de cloisons, d’êtres et d’espaces découpés, qu’érige avec obstination Mark Manders.
En réalité, pour le plasticien néerlandais, l’autoportrait est essentiellement une autofiction de l’artiste dans la posture de l’auspice, paré des atours dissimulateurs d’un Praxitèle post-moderne érigeant des stèles à l’identité neutre et aux messages sibyllins. L’autoportrait est à saisir comme une mise en scène relevant d’un processus d’identification, d’ouvertures, de découpes et d’enfermements parfois presque prophylactiques et toujours labyrinthiques.
Combinatoires
Mark Manders est sur bien des points l’héritier des artistes de la combinatoire tels que Takis, Tinguely ou Ipoustéguy. Il est surtout très proche de David Altmejd. Ce dernier a pour particularité de vouloir exposer de manière quasi obsessionnelle le processus de création lui-même, au point d’y apposer le moulage de sa main qu’il duplique dans un mouvement mimant la création à l’œuvre. Le plasticien canadien voit son travail comme une gestation puissamment organique qui digère, parfois au sens strict, les déplacements névrotiques, les signes culturels de tous horizons, le rapport à son propre corps, lequel somatise et exsude ce que lui impose la compulsion à s’exprimer. Cela aboutit à d’immenses machines désirantes où le spectateur « pénètre» littéralement. Mark Manders est également accaparé par la question, presque épistémologique, de comprendre ce qu’est, non pas le Beau, mais l’art, une œuvre d’art, qu’est ce qui la différencie des objets courants, hormis l’énonciation performative et revendiquée de manière ostentatoire par Duchamp, ou bien encore l’identification sociologique. Manders comme Altmejd sont persuadés que cette différenciation n’est pas que cela, qu’il y a une grammaire qui détache certains assemblages sémiotiques et visuels du flux des « choses » fabriquées ou portées au regard. Vu sous cet angle, l’art est, selon eux, une sorte de métissage fertile. L’autoportrait comme interaction et processus constructif n’est autre chose que le « sampling » des signes culturels hérités, des obsessions personnelles, des hasards fructueux et de la décision totalement arbitraire du « créateur », qui « déclare » à un instant « T » que le point d’équilibre est atteint, que « l’installation » est complète…
Auteur : Thierry Grizard
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